Objet de la QPC
Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la société United France 2021 Propco SNC. La QPC portait sur la conformité du paragraphe II de l’article 63 de la loi de finances pour 2025.
Cette disposition validait rétroactivement les impositions directes locales des années 2023 et 2024, en lien avec le mécanisme dit du « planchonnement » (majoration/minoration de la valeur locative des locaux professionnels prévue à l’article 1518 A quinquies du CGI).
Contenu de la disposition contestée
Le texte validait les impositions 2023-2024 en tant que leur légalité était contestée à raison de l’interprétation retenue par le Conseil d’État dans sa décision du 13 novembre 2023, selon laquelle la valeur locative à retenir pour le « planchonnement » est celle fixée chaque année, et non celle de 2017 uniquement.
La validation était appliquée rétroactivement, sauf pour les réclamations déposées avant le 10 octobre 2024.
Arguments du requérant
La société requérante contestait la constitutionnalité du dispositif au regard :
- de l’article 16 de la Déclaration de 1789 (garantie des droits / séparation des pouvoirs) :
- absence de motif impérieux d’intérêt général justifiant la validation rétroactive ;
- remise en cause illégitime de la décision du Conseil d’État du 13 novembre 2023 ;
- absence d’exclusion explicite des décisions passées en force de chose jugée.
- des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques :
- différence de traitement injustifiée fondée sur la date de dépôt des réclamations (avant/après 10 octobre 2024) ;
- discrimination entre contribuables selon l’existence de coefficients de localisation affectant les valeurs locatives.
Appréciation du Conseil constitutionnel
Absence de motif impérieux d’intérêt général
Le Conseil constitutionnel rappelle qu’une validation législative rétroactive n’est possible que si elle respecte les conditions suivantes :
- justification par un motif impérieux d’intérêt général,
- respect de la force de chose jugée,
- portée strictement définie.
En l’espèce :
- Le gouvernement n’apporte pas la preuve que la décision du Conseil d’État aurait entraîné un contentieux massif de nature à perturber l’administration ou la juridiction administrative.
- Le risque financier pour l’État ou les collectivités territoriales n’est pas démontré : les décharges potentielles ne porteraient que sur une fraction des impositions, liée aux variations de valeurs locatives.
Conclusion : aucun motif impérieux d’intérêt général n’est établi.
Conséquence : inconstitutionnalité
Faute de motif suffisant, le Conseil constitutionnel n’examine pas les autres griefs (égalité, sécurité juridique, etc.) et déclare le paragraphe II de l’article 63 contraire à la Constitution.
Effets de la déclaration d’inconstitutionnalité
- L’abrogation intervient immédiatement, à la date de publication de la décision.
- La décision est applicable à toutes les affaires non définitivement jugées à cette date.
- Aucun report d’effet n’est prononcé.
Conclusion
Le Conseil constitutionnel invalide la tentative du législateur de sécuriser rétroactivement les impositions locales 2023-2024 fondées sur une interprétation du « planchonnement » jugée illégale par le Conseil d’État.
La validation rétroactive est censurée, faute de motif impérieux d’intérêt général.
Conséquences pour les clients de Fiscallia
Réclamations contentieuses à déposer
Pour les locaux professionnels, les impositions peuvent être contestées dans le délai normal :
- 2023 : jusqu’au 31 décembre 2025
- 2024 : jusqu’au 31 décembre 2026
La décision ouvre donc un champ de réclamations supplémentaires, même pour les clients qui n’avaient pas agi avant le 10 octobre 2024.
Réactivation des dossiers gelés
Tous les dossiers mis en pause par les collectivités ou les DDFiP en raison de la validation législative peuvent être réactivés immédiatement.
Potentiel de dégrèvements
Le calcul correct du planchonnement peut générer des dégrèvements significatifs, notamment pour :
- les surfaces commerciales en zones révisées,
- les entrepôts en zones où les valeurs locatives ont fluctué,
- les portefeuilles immobiliers avec variations de valeur entre 2017 et 2024,
- les locaux ayant connu un changement de classement ou de localisation.






